• Prologue.

    Prologue.

    Tout ce dont je me rappelle c'est de cet éclair de lumière aveuglant sur la route enneigée, et du dérapage. Des cris de ma sœur, et des tentatives vaines de mon père pour rassurer ma mère ayant perdu le contrôle du véhicule. Je me rappelle du choc, et du sang. Beaucoup de sang. Les corps de ma famille gisant inertes sur le sol. Et moi, essayant de m'extirper de cette voiture sur le point de tomber de la falaise, en rampant entre les corps de mes parents et de ma sœur, pleurant des larmes que je ne peux stopper, tombant à grosses gouttes sur le sol maintenant teinté de rouge. Le sang ruisselant le long de mes bras, jaillissant de mes blessures, empoissant mes cheveux.
    Un dernier hurlement de douleur, de peur et d'affreuse tristesse, et je suis hors de danger.
    Je regarde la voiture vaciller de l'autre côté de la falaise, entraînant les corps de ma famille.
    Je tombe à terre, dans une mare de larmes et de sang, secouée de spasmes incontrôlables de désespoir.
    J'ai tout perdu.
    Tout.
    Et je suis la seule survivante.

  • One.

    J'ouvre lentement les yeux. Encore dans cet hôpital. Parfois je m'imagine que tout n'était un rêve et que je me réveillerai dans mon lit, chez moi à New York dans ma petite chambre. Mais non.
    Je me lève de mon lit en soupirant. En m'observant dans le miroir, je soupire. Je suis banale, rien en moi ne me démarque des autres. J'ai de longs cheveux châtains clairs tirant vers le blond, de grands yeux verts, et un piercing au nez.

    Une infirmière frappe à ma porte. C'est Miranda. C'est la seule infirmière que j'accepte de voir, car c'est la seule qui soit sincère. Elle pose son regard chaud et compatissant sur moi, et s'assoit sur mon lit.

    - Bonjour, Angie, me fait-elle en souriant, même si je perçois de la tristesse dans sa voix.
    - Salut. Alors, quelle est la triste nouvelle que tu viens m'annoncer aujourd'hui, dis-je en m'asseyant à ses côtés.

    Elle reste silencieuse un instant, avant de se lancer.

    - Angie, tu sais que ça fait maintenant six mois que tu es là, et nous pensons qu'il est temps pour toi de t'ouvrir au monde, et de faire face à la vie.

    Je la regarde. Elle est en train de me dire de quitter l'hôpital.

    - Je dois quitter l'hôpital, dis-je d'une voix dénuée d'émotion.
    - (elle se racle la gorge) Oui, c'est ça. Tu vas énormément me manquer Angie, mais c'est mieux pour toi et ton développement personnel, de ne pas rester ici. Ne t'inquiète pas pour les journalistes, tu changeras de nom, et de vie. À partir de maintenant, tu n'est plus Angie Hopkins, de New-York, mais Malia Fields, originaire de San Francisco, et tes parents sont partis vivre à Paris pour raisons professionnelles. Tu disposeras d'un compte à ton nom – ton nouveau – et d'un appartement à Miami. Tu entreras dans un lycée réputé de Miami, qui est, je préfère toujours te prévenir, fréquenté par beaucoup de gosses de riches. Évite de te faire remarquée, et ne dis à personne qui tu es, à moins que tu ne veuilles être harcelée.

    J'acquiesce sans ouvrir la bouche, me contentant d'écouter. À cause du fait que mes parents étaient deux assez célèbres, les journalistes voudront forcément en savoir plus sur leur mort. Ils viennent chaque jour guetter ma sortie pour se jeter sur moi comme des vautours.
    Miranda me lance un regard triste puis me serre dans ses bras. Elle me glisse un : « Sois prête dans une heure. » avant de sortir de la pièce.
    Je reste un moment immobile, puis je commence à faire ma valise. Je m'habille ensuite des vêtements restants, me maquille de mascara et d'un trait d'eye-liner, puis sors de ma chambre sans regarder en arrière. Je traverse le long couloir vide et froid la tête baissée, comme la première fois, et descends lentement les escaliers. Une voiture noire au vitres teintées est garée devant l'établissement, et, par chance, aucun journaliste à l'horizon. Je ne suis jamais apparu dans les journaux, mais je sais qu'ils me reconnaîtront tout de suite, à cause de la ressemblance frappante avec ma mère.

    Je sors accompagnée de Miranda – les autres infirmières n'en ayant rien à foutre – et mets ma valise dans le coffre de la voiture. Je m'installe à l'intérieur puis fais un simple signe d'au revoir à Miranda. Je n'aime pas montrer mes sentiments, alors même si ça me rend très triste, je ne le dis pas. C'est d'ailleurs pour cette raison que je semble si remise de l'accident. C'est faux. Je souffre, affreusement. Je suis détruite, totalement vide de l'intérieur. Mais ça, personne ne le sait ni ne le voit. Je ne pleure pas, plus depuis l'accident.

    Les vitres se referment sur le maigre sourire de Miranda. Le chauffeur ne m'adresse pas la parole durant le trajet. Je passe environ une heure et demi à regarder dehors, observant le paysage défiler devant mes yeux, puis nous arrivons enfin à l'aéroport.

    Arrivés à l'aéroport, il me sort ma valise du coffre puis me lance un : « Bonne route. » avant de remonter dans la voiture, me laissant seule. Le vent vient me caresser le visage et fait voler mes cheveux. Je marche en direction de la salle d'embarquement, et attends environ trente minutes, avant que mon vol ne soit annoncé. Je fais donc tout le nécessaire et arrive enfin dans l'avion. Je m'installe dans mon siège, et regarde en face de moi, en tremblant légèrement. Je hais les avions. Je hais vraiment ça. Quand j'entends que l'avion va décollé, je mets vite un chewing-gum dans ma bouche – on m'a toujours dit de faire ça.
    L'avion décolle et j'agrippe les accotoirs de mes mains moites en serrant les paupières.

    Quand l'avion se stabilise et que je rouvre les yeux je vois quelqu'un assis juste en face de moi. C'est un garçon qui doit avoir mon âge, enfin je pense. En effet, il porte un sweat à capuche noir qui cache son visage. De plus, je n'ai donné qu'un coup d'œil furtif, avant de baisser les yeux.

    - Alors, t'as peur des avions ?, me dit-il d'un ton moqueur, dans le but d'engager la conversation.

    Je ne réponds pas. Je n'ai pas envie de parler à quelqu'un aujourd'hui. En fait, je pense aussi que c'est à cause du fait que je n'ai pas été en contact avec d'autres gens que les infirmières ou les autres pensionnaires de l'hôpital pendant un peu plus de six mois.

    - Ok, fait-il en soupirant.

    Je ne réponds toujours pas et je lui fais bien comprendre que je ne l'écoute pas en mettant mes écouteurs dans mes oreilles. Je mets la musique et regarde le garçon partir les mains dans les poches, une mine déçue sur le visage.

    Je tourne la tête et observe dehors. C'est magnifique. Des nuages rosés et des rayons de soleil éclatants perçant le paysage.
    Je m'assoupis et m'endors lentement.
    Je suis réveillée en sursaut par l'annonce de l'atterrissage. Je m'empresse de ranger mes affaires sorties, et attends d'atterrir. Ça va, j'ai moins peur.

    On atterrit et je descends en courant.
    Je reste debout, immobile. Je prends une grande inspiration en fermant les yeux.

    Me voilà à Miami.
    Adieu mon ancienne vie.
    Adieu Angie.
    J'ai dix-sept ans, je m'appelle Malia Fields et aujourd'hui je commence une nouvelle vie.


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  • Two.

    Je marche, traînant ma valise derrière moi en direction de l'arrêt de bus qui est censé m'emmener chez moi. Je regarde autour de moi, observant la ville. Il fait chaud, il y a du soleil, et les gens marchent sans se retourner sur mon chemin, sans me regarder comme une pauvre bête. Je suis enfin libre, et anonyme. Personne ne me connaît, personne ne connaît mon histoire.

    Le bus arrive, et je monte en mettant la musique dans mes oreilles. Je regarde dehors durant tout le trajet, sans vraiment regarder. Je me demande ce que ça va être au lycée. Je vais faire ma rentrée comme étant la nouvelle, bizarre et qui ne parle pas, c'est sûr. La rentrée, c'est dans une semaine. Je vais entamer ma dernière année de lycée, sans savoir quoi faire plus tard. Je suis nulle en cours, nulle en tout. Et paumée. Je n'ai plus de motivation pour rien. Haha, en fait, je sers à rien. On m'a déjà dit que les pensée négatives m'étaient néfastes. C'est drôle, je ne vis que de ça, et pourtant je suis encore là. Enfin bon.
    Je soupire, puis le bus s'arrête. Je descends, en vérifiant l'adresse sur mon portable. C'est tout près. Je continue le chemin en marchant. Ce sont plusieurs appartements, et le mien est celui au dernier étage. Il est bien placé ça c'est sûr. La mer en face et les magasins juste à côté... Il semble aussi assez grand de l'extérieur, voyons l'intérieur.
    Je monte les escaliers en silence, et ouvre la porte. Je reste bouche bée.
    Cet appartement est immense. Il est magnifique. Principalement en noir et blanc, de grandes baies vitrées s'ouvrent sur une terrasse et un balcon, avec une vue directe sur la mer. Le salon est incroyablement grand, et ne parlons pas de la salle de bain. Et la chambre, juste indescriptible.
    Je reste sans voix.
    Mais qu'est ce que je vais bien pouvoir seule faire dans cet appartement – ressemblant plus à une sorte de villa pour moi ? C'est trop grand pour moi.
    Je commence à défaire mes affaires sur le lit, en soupirant.

    Quelques heures sont passées et je m'apprête maintenant à aller me coucher, sans avoir manger. Je fais donc ma routine du soir, et m'allonge dans ce lit luxueux, en fermant les yeux.
    Je me retourne dans mon lit, et cherche une bonne position pendant environ trente minutes, puis parvient enfin à m'endormir.
    Enfin, si on peut dire ça dormir. Je me réveille d'un coup en sueur de mon lit, et en respirant difficilement. Je viens encore de faire ce cauchemar. Mon pire cauchemar, que je fais presque toutes les nuits, et qui me hante depuis... cette nuit. Celui de l'accident, qui repasse en boucle dans mon esprit.

    Je me lève en m'essuyant le front et vais prendre un verre d'eau dans la cuisine. Je reste là quelques minutes, mes mains trempées sur le visage.
    Il fait nuit. Bien nuit. Et je peux voir la mer par la vitre qui mène à la terrasse. Je vais donc prendre un paquet de cigarettes sur la table à manger, et sors.
    Je sens le vent frais me caresser doucement le visage, et je m'accoude au bord du balcon, en sortant une cigarette, que j'allume ensuite.
    J'observe la mer douce et calme, reflétant la lune et les étoiles, en fumant. Tout simplement. Je ne pense à rien. Mais je suis paisible. Fumer me fait toujours tout oublier. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai commencé.
    Après avoir fini de fumer, je passe le reste de la nuit dans le canapé, les yeux dans le vide.

    - - - - - - - -

    Une semaine est passée, et aujourd'hui est la veille de la rentrée. J'ai passé ma semaine à faire les magasins, préparer mes affaires scolaires, et à un peu sortir, histoire de voir la ville.
    Je suis un peu stressée pour demain. Mais je ne sais pas vraiment pourquoi. Je ne sais pas si c'est par rapport à ma fausse identité, ou de ces gosses de riches que je détestent par dessus tout, ou encore du fait que je suis totalement paumée dans cet endroit inconnu. Enfin bon...

    Je prépare mon sac, et m'affale devant la télé. Je passe donc le reste de la journée à ne rien faire.

    Le lendemain, je me réveille en sursaut. Encore un cauchemar. Il est sept heures du matin, j'ai un peu de temps. Je m'habille, avec des mouvements las et mous, puis prend un cookie et attends en écoutant de la musique. Je pars à huit heures moins le quart. Le bus m'amène juste devant le lycée. Des élèves descendent du bus en me poussant, sans s'excuser puis partent en courant vers le lycée. Je descend à mon tour, et prends une grande inspiration. Le lycée est immense, comme tout ici. Sans même y être entrer, je vois une grande étendue d'herbe, avec des arbres et même une grande fontaine. Quant au bâtiment, il est haut, grand et blanc, avec « Miami Beach High Scool » inscrit en grosses lettres au milieu. Je baisse la tête, et passe donc le portail avant de traverser rapidement l'allée menant à l'entrée de l'établissement. Une minute est passée, j'ai l'impression que ça en fait dix. Je sens les regards des élèves se poser attentivement sur moi. Normal, je suis la nouvelle. Je les observe du coin de l'œil. Ouais, je confirme, ce sont bien des gosses de riches. Entre montres en or, habits de marques et postures prétentieuses insupportables, j'ai envie de tous leur foutre des baffes.

    Je pousse la grande porte et vois alors le couloir principal.
    Je crois que je n'ai jamais vu un truc pareil de toute ma vie. C'est presque inimaginable tant c'est grand et propre. Je reste au moins deux minutes sans bouger, en scrutant l'horizon, essayant de trouver le bureau de la directrice, qui est en fait, juste à ma droite.
    La secrétaire m'accueille et me dit d'attendre quelques temps car elles est déjà avec quelqu'un. Ce quelqu'un sort en trombe du bureau, sous le regard indigné de la directrice qui lui crie de s'arrêter. Mais ce mec n'obéit pas, et part, en me jetant un rapide regard qui me fige sur place. Il me dit quelque chose, mais je dois rêver. Je n'ai pas rencontrer de garçon depuis mon arrivée.
    La directrice me fait signe d'entrer, en essuyant ses mains sur son pantalon, puis s'assoit. Elle doit être âgée d'une soixantaine d'années, et a assez mal vieillit. Elle est pâle, a un chignon strict qui n'a aucune forme sur sa petite tête, et des yeux bleus sans expression, qui sont surmontés de petites lunettes.Elle colle totalement au cliché de la vieille directrice aigrie.

    - Bon, bienvenue, me lance t-elle, d'un ton faussement enjoué.
    - Merci.
    - Malia Fields c'est bien ça ? Vous venez de San Francisco, avez dix-sept ans et commencez votre année de terminale dans ce lycée.
    - Oui, c'est ça.

    Elle ne semble pas se rendre compte de quoi que ce soit. Je m'en sors plutôt bien, je pense.

    - Vous avez une idée de ce que vous voulez faire après avoir obtenu vôtre diplôme ?, me demande-t-elle.
    - Non, aucune. Vous avez vraiment besoin de savoir ça ?
    - C'est pour nos dossiers. Plus on sait de choses, mieux c'est, répond-t'elle en souriant, d'un sourire qui ressemble plus à une grimace qu'à autre chose. Elle, elle n'aime pas les jeunes.
    - Oh...

    Elle commence à m'expliquer le fonctionnement du lycée, et je décroche quasiment tout de suite. Je me contente de hocher la tête, pour lui faire croire que je suis attentive. Elle finit alors par me donner mon emploi du temps, et me souhaite une agréable rentrée avec le même ton que depuis le début de la conversation.

    Je me retrouve donc dans le couloir, complètement perdue. Et merde, j'aurais peut-être dû écouter cette vieille.
    Je reste donc là comme une idiote, avant de sentir la main de quelqu'un me tapoter l'épaule, ce qui me fait sursauter. Je me retourne en fronçant les sourcils.

    - Tu veux de l'aide ?, me demande une fille avec un regard pétillant, aux yeux bleus/verts et aux cheveux châtains aux reflets blonds.
    - Non merci, répondis-je froidement.
    - Bon, comme tu veux... Tu es en terminale 6 ?, fait-elle en remarquant mon emploi du temps.
    - Oui... Pourquoi ?
    - Je le suis aussi !, me répond-t-elle en souriant.

    Je me contente de hocher la tête. Je m'en tape complètement qu'elle soit dans ma classe. Je ne lui dis plus rien, et pars dans l'espoir de trouver la salle dans laquelle je suis censée aller. Je l'entends soupirer d'un air exaspéré derrière moi, puis je la vois se diriger en courant vers une fille brune. La sonnerie retentit et je reste sans bouger, sans savoir où aller. Tout le brouhaha me donne mal à la tête, et beaucoup de gens me bousculent. J'aperçois la fille qui m'a parler partir au fond du couloir, et je cours vers elle sans me faire remarquer. Elle est avec un groupe de gens, des garçons et des filles, dont le mec de tout à l'heure, qui est sortit comme un fou du bureau de celle que j'appellerai maintenant la vieille. Ils attendent devant une salle de classe, avec le reste de la classe, qui sont aussi séparés en petits groupes. Je m'avance lentement, en jetant des coups d'œils furtifs à chaque personne de ma classe. Tous pareils... Le garçon m'aperçoit et me fixe quelques secondes, et je soutiens son regard. Il est brun, aux cheveux légèrement châtains, et des yeux verts aux reflets gris – assez bizarre comme couleur. Il est beau. Je ne peux pas le nier. Mais peu importe.

    Le professeur arrive et le garçon détourne son regard du mien après m'avoir fait un petit sourire.

    Nous entrons donc dans la salle, et chacun va s'asseoir en discutant et rigolant, sauf moi. Le professeur me retient par le bras quand je me dirige vers le fond de la classe en me disant d'attendre. Je reste debout, près du prof, sous le regard intrigué de tous les élèves.

    - Et bien, présente toi, me fait le professeur.
    - Je... (j'hésite une seconde) m'appelle Malia Fields, j'ai dix-sept ans et je viens de San Francisco, dis-je d'un ton sec.

    Personne ne réagit, évidemment. Le professeur m'indique donc une place au milieu du rang de gauche, et je vais m'asseoir sous le regard de mes « camarades ».
    Le prof se présente. Il s'appelle Mr. Miller, et enseigne le Français. C'est tout ce que je sais, car après ça je n'ai plus rien écouté. J'ai juste passé l'heure à gribouiller des petits dessins tout moches sur mon cahier. À un moment, je reçois une boule de papier sur l'arrière de la tête, et je me retourne brusquement. C'est le garçon qui me l'a envoyer, et il me pointe du doigt le papier qui est tombé par terre. Je le déplie et lis le petit message écrit à l'intérieur.

    « J'mappelle Tyler. »

    Et alors ? J'en ai rien à faire, alors je lance la boule de papier dans la poubelle.
    À la fin de l'heure, alors que je sors de la salle, Tyler me prend par le bras.

    - Pourquoi t'as pas répondu à mon message ?, me demande-t-il brusquement. Il doit pas avoir l'habitude de se prendre des vents, lui.
    - Euh, déjà tu vas te calmer parce qu'on se connaît pas et j'ai pas envie de te connaître donc je réponds pas à tes messages. C'est simple, fais-je d'un ton agacé en me libérant.

    Je sais pas pourquoi je suis agressive comme ça, mais je le suis. Je n'ai juste pas envie de me faire d'amis, ni même de parler aux gens. Je pars en direction de la prochaine salle de cours. Avant d'entrer, j'entend une voix m'interpeller, et je me retourne. C'est la fille de tout à l'heure.

    - Re-bonjour, me dit-elle, avec un sourire discret.

    Je ne répond pas, me contentant de lever les sourcils.

    - Bon, j'ai bien deviné que t'étais pas une grande bavarde, mais j'ai envie de te connaître. Je m'appelle Hailey.
    - Ouais, t'as raison, je suis pas bavarde. Et je veux pas vraiment me faire d'amies.

    Elle ne me répond pas, un petit sourire sur le visage.

    - Tu verras, on va devenir amies toutes les deux, me fait-elle avec un clin d'œil.
    - Si tu le dis.

    Je me retourne et rentre dans la salle, suivie d'Hailey.


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  • Three.

    Je vais m'asseoir au fond de la salle, près de la fenêtre. Hailey, elle, se met à côté d'une très jolie blonde, qui semble être plutôt populaire.
    Je ne vois pas Tyler. Pas grave. Je pose mon sac sur la chaise à côté de moi, et je m'affale sur la table. Je ferme les yeux un moment, ce qui suffit à m'assoupir.
    Je suis réveillée quelques instants plus tard par l'aigrie prof de Maths. Elle crie « mon nom » et balance mon sac par terre.

    - Mademoiselle Fields ! Malia Fields ! répète-elle de sa voix insupportable.

    Je sursaute et manque de basculer en arrière.

    - Quoi ? dis-je, encore à moitié endormie.
    - Dans le bureau de la directrice, tout de suite !

    Je me réveille totalement et entends les moqueries de mes camarades de classe. Hailey me regarde d'un air amusé. Je reprends mon sac par terre et sors de la salle avec un regard noir envers la prof. Plutôt raté, comme arrivée discrète...
    J'arrive dans le couloir. Je ne vais pas dans le bureau de la directrice, qu'est ce qu'elle croit l'autre ?

    Je sors donc dans ce qui sert de cour mais qui ressemble plus à un jardin royal, puis m'assois dans l'herbe, en m'adossant à un arbre. Je ramène mes jambes contre moi, et mets la musique dans mes oreilles.
    Je reste ainsi quelques minutes, puis je sens quelqu'un m'enlever l'écouteur de mon oreille droite. Je tourne la tête. C'est Tyler. Il me regarde en souriant. J'arrête la musique.

    - Salut. Ça va ? me fait-il.
    - Casse toi. lui répondis-je, d'une voix monotone.
    - Mon dieu quel accueil chaleureux ! s'exclame-t-il avec ironie.
    - T'as pas retenu la leçon ? Je veux pas être ta pote.
    - Et si je voulais pas non plus être le tien ?

    Un éclair passe dans ses yeux. Il plonge son regard dans le mien, avec un petit sourire taquin sur le visage. Je détourne brusquement les yeux.

    - Qu'est ce que tu fais là ? T'es pas censé être en cours ? me demande-t-il.
    - Je te retourne la question.
    - J'ai fait une petite pause, histoire de me relaxer, et toi ?

    Une pause. Tranquille, comme ça. Je lève les yeux au ciel.

    - J'ai été virée du cours. Pas la peine d'en parler, je me suis juste endormie.

    Il se met à rire.

    - Alors toi, t'as vraiment envie d'être détestée dès le début de l'année !
    - Oh ça va, hein...

    Il me sourit encore une fois, puis se lève et me tend les mains.

    - Viens, je veux te montrer l'autre côté du lycée.
    - Je suis très bien ici.
    - Allez... insiste-t-il.

    Je me lève en soupirant, sans prendre ses mains. Il se dirige vers la fontaine, dont on aperçoit une partie d'où nous sommes. Je le suis, en essayant de marcher à son rythme.

    Nous arrivons enfin à la fontaine. Elle est immaculée et immense. L'eau est cristalline, et coule doucement.

    - Voilà le plus bel endroit de ce lycée ! s'exclame Tyler en levant les bras.

    Il s'assoit sur le bord de la fontaine, et me fait signe de m'asseoir à côté de lui. Je ne lui obéis pas, et me plante devant lui, en regardant autour de nous.

    - Alors, t'en penses quoi ? me demande Tyler.
    - De quoi tu parles ?
    - Bah du lycée.

    Je ne réponds pas, et hausse les épaules.

    - Pourquoi t'étais dans le bureau de la viei... de la directrice tout à l'heure ? lui demandé-je soudainement.
    - Hum... C'est compliqué. me répond-t-il avec une soudaine mine sérieuse.
    - Je t'écoute.
    - Tu crois que je vais te le dire ? On est pas amis après tout. fait-il comme pour me narguer.
    - Tu gagnes sur ce point. Tant pis, j'avais pas envie de savoir de toute façon.

    J'ai menti. J'ai envie de savoir, vraiment. Curiosité envahissante oblige. Un silence s'installe entre nous, et quelques secondes passent, durant lesquelles Tyler me fixe, ce qui me rend mal à l'aise et m'oblige à rompre le silence.

    - Ok, j'ai envie de savoir. Peu importe si on est amis ou non.

    Il hésite un instant puis se racle la gorge.

    - L'année dernière, j'ai complètement chuté et j'ai commencé à faire des conneries, en foirant totalement ma fin d'année. Résultat, je suis encore au lycée. Ce matin, la connasse -ou directrice si tu préfères- m'a dit que tout le monde s'inquiétait pour moi pour cette année, et qu'il faudrait prendre des « mesures radicales ». En gros, soit je suis un élève modèle, soit je suis viré définitivement. Évidemment, j'ai refusé, et elle m'a dit que si je continuais comme ça j'allais finir comme...

    Il s'arrête, baissant la tête, en serrant les poings. Je suis surprise de le voir ainsi.

    - Comme... ? ne puis-je m'empêcher de demander.

    - Quelqu'un dont je n'ai vraiment pas envie de parler. Dis toi juste que ça m'a vraiment énervé, et qu'elle n'avait absolument pas le droit de m'insulter comme ça. me répond-t'il brusquement.

    Il se lève d'un coup, et part en direction de l'autre côté du bâtiment. Je le suis en silence. Il est énervé, sûrement même bouleversé par ce qu'il vient de me dire. J'ai comme un sixième sens pour détecter ce genre de sentiment.

    Il se dirige vers l'arbre auquel nous étions adossés plus tôt, et la cloche retentit au moment où nous reprenons nos sacs. Tout le monde sort du bâtiment. Je m'assois contre l'arbre et Tyler va rejoindre son groupe d'amis, dont fait partie Hailey. Celle-ci m'aperçoit et me fait un signe de la main, que je fais semblant de ne pas voir. Je baisse la tête. Quand je m'apprête à mettre mes écouteurs quelqu'un m'interrompt.

    - Hey ! Comment ça va ? s'exclame Hailey qui se plante devant moi, accompagnée d'une fille aux cheveux rouges pétants que je n'ai encore jamais vu.

    Je ne lui réponds pas, en la regardant d'un air exaspéré.

    - Je te présente Amy, c'est ma meilleure amie. (la fille me fait un signe de la main)
    - Salut. (je redirige mon regard vers Hailey) Pourquoi tu viens ?

    Décidément, aujourd'hui, personne ne comprend que je ne veux pas d'amis. Hailey et Amy s'asseyent en tailleur face à moi.

    - Tu peux pas ne pas vouloir d'amis, c'est pas possible. me dit Amy qui prend la parole pour la première fois.
    - Bah c'est le cas.

    - Écoute. Ce midi, tu manges avec nous, et après, tu pourras faire ce que tu veux. Apprend juste à nous connaître. D'accord ?

    Je les regarde un moment, puis acquiesce lentement. Après tout, j'ai rien à perdre. Puis comme ça, elles comprendront qu'on sera jamais amies. Hailey m'adresse un grand sourire éclatant, et Amy un clin d'œil.

    Elles restent là durant toute la pause, à discuter et à rigoler, sans que j'ouvre la bouche.
    Lorsque la sonnerie retentit, Amy et Hailey restent avec moi. Amy n'est pas dans notre classe, elle va donc dans une autre direction, et je finis seule avec Hailey. Nous avançons doucement dans le couloir, sous les regards intrigués des élèves. Tous me regardent bizarrement, comme si j'avais monté un échelon de la société. Hailey doit être plutôt populaire...

    Nous arrivons en cours d'Histoire. Que des cours chiants ce matin. Hailey vient s'asseoir près de moi, mais je ne lui prête pas aucune attention. Je me contente de « suivre » le cours -enfin, plutôt regarder dans le vague- et de lutter contre le sommeil.

    La cloche sonne. Je sursaute. J'ai l'impression d'avoir dormi les yeux ouverts durant tout le cours.
    Je sors rapidement de la salle pour éviter Hailey, mais celle ci me rattrape.

    - Tu comptes m'ignorer toute la journée ? me dit-elle sur un ton exaspéré.
    - Non. Toute l'année. répliqué-je, fière de ma réponse cinglante.

    Elle ne sait plus quoi dire, et pousse un long soupir théâtral.

    - Toi, t'es drôle. Franchement, je t'aime bien. Je sais pas pourquoi t'es comme ça, t'es déjà aigrie avant l'âge, mais c'est amusant. fait-elle avec un clin d'œil et un grand sourire.

    Cette fille est bizarre. Très bizarre. Peu importe ce que je peux faire pour l'envoyer bouler, elle aime ça. Je ne lui réponds pas. Merde, c'est moi maintenant qui ne sais plus quoi dire.

    Nous avons une heure de libre. Notre classe sort en courant dans la « cour » et se disperse dans tout l'espace. Hailey m'abandonne pour aller avec ses amis, puis revient quelques secondes plus tard et me prend par la main. Je me dégage brusquement de son emprise. Je ne supporte pas d'être touchée. Bizarre ? Peut-être bien. Hailey me lance un regard interrogateur, mais je détourne les yeux. Elle me demande de la suivre, et je lui obéis bêtement. Nous rejoignons son groupe d'amis. Ils sont tous assis et allongés dans l'herbe. En me voyant, ils me regardent de la tête aux pieds, comme pour m'analyser. Un garçon blond aux yeux bleus hausse un sourcil.

    - C'est qui elle ? demande-t-il à Hailey d'un air hautain insupportable.

    Je m'apprête à lui envoyer une réponse brutale, mais Hailey me devance.

    - Elle s'appelle Malia, elle est dans notre classe, idiot.

    - Ah, c'est la nouvelle. C'est pas de ma faute si elle est invisible. fait-il en rigolant et sans m'adresser un seul regard.
    - Tu sais, tu peux me parler directement, je suis là hein. lui dis-je en lui adressant un sourire des plus hypocrite.
    - Commence pas à faire ta fière, chérie.

    Il me fait un clin d'œil. Je serre fort les poings pour m'empêcher de le frapper, puis une jolie brune habillée de quelques bouts de tissus -j'exagère un peu- prend la parole.

    - Présente nous alors.
    - Malia, je te présente Ally. (Hailey désigne un brun distrait par les feuilles des arbres qui bougent) Lui c'est Jason, fais pas attention à lui, il est dans son monde. (elle montre le garçon hautain et prétentieux) Cet abruti, c'est Connor. Puis eux (un couple, une fille blonde avec une tresse et un garçon aux cheveux châtains m'adresse un signe de la main), c'est Joy et Scott.

    J'entend quelqu'un arriver vers nous. C'est Tyler. Il salue tout le monde avec un grand sourire. À croire qu'il a oublié ce dont il m'a parlé plus tôt. En me voyant, il fronce les sourcils.

    - Qu'est ce qu'elle fait là ? Vous êtes amies ? demande-t-il à Hailey.
    - Tu la connais ? interroge Connor.
    - Vite fait. répond Tyler en me lançant un bref coup d'œil.
    - Elle va rester avec nous. annonce Hailey.
    - Ah oui ? J'étais pas au courant. fais-je. Tu comptes m'obliger à rester avec des gens que je veux pas connaître ?
    - Exactement. dit-elle, en souriant.

    J'entends Connor soupirer, et Ally rigoler. Je secoue la tête d'agacement puis fais volte-face et marche rapidement sans aucune direction. Personne ne me rattrape, alors je ralentis et m'assis -ou plutôt m'affale- l'herbe. Je ne fais rien. J'attends. Attends quoi ? Aucune idée. Je m'allonge progressivement et contemple le ciel. Je ferme les yeux quelques instants et en les rouvrant je découvre Hailey penchée au dessus de moi. Je me rassois et elles s'accroupit à côté de moi.

    - Désolée. C'est juste que je sais pas comment faire avec toi. me dit-elle gentiment. T'as l'air d'un fille cool, alors j'ai envie de mieux te connaître.
    - Une fille cool ? Tu te fous de moi ? Je suis pas une fille cool, Hailey. Une fille détestable, inintéressante et agaçante, oui. Mais pas une fille cool. Je dis pas ça pour que tu me dises que si et me racontes toutes les autres conneries hypocrites qu'on sort à quelqu'un pour le rassurer, mais juste pour que t'arrêtes de m'emmerder. Je comprends pas pourquoi t'as envie de me connaître, mais honnêtement je m'en tape et je veux juste que tu me laisses. Tu m'énerves, comme tous les autres. Fous moi la paix, et casse toi.

    J'ai été méchante. Elle me regarde d'un air déçu et énervé.

    - Comme tu voudras. Tu pourras pas dire que j'ai pas essayé. Je t'ai tendu une perche, Malia. T'as pas su l'attraper, c'est entièrement de ta faute. Je sais pas pourquoi tu te comportes ainsi avec moi ni pourquoi tu m'agresses dès que je t'adresses la parole, mais je vais pas chercher à le savoir. Au début je pensais que c'était juste une image que tu te donnais, mais il semblerait que t'es vraiment asociale. Dommage pour toi, j'ai cru qu'on pourrait bien s'entendre, mais apparemment non. conclut-elle d'un ton affecté par sa colère qui monte.

    Elle se lève d'un coup, me jette un dernier regard, puis part d'un pas pressé mais hésitant.

    Je la regarde partir. J'ai peut-être été trop loin. Puis merde, j'ai aucune raison de m'en vouloir. Au moins, elle a comprit que je voulais pas d'amis et que j'avais pas besoin d'elle.

    Je ramène mes genoux contre ma poitrine. J'observe Hailey rejoindre le groupe énervée. Je la vois qui bouge ses bras dans tous les sens en me montrant du doigt. Tout le monde me lance un regard haineux. Même Tyler semble énervé.

    Décidément, je fous vraiment la merde partout où je passe.

    J'ai besoin de personne. J'ai besoin de personne. J'ai besoin de personne.

    Je me répète ça durant toutes les minutes interminables qui suivent.


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  • Je passe le reste de l'heure ainsi, à les observer discrètement. Hailey me donne quelques coups d'œil furtifs et Tyler m'ignore et discute paisiblement avec les autres. J'entends la sonnerie retentir et je me lève lentement. C'est la pause de midi, et j'étais censée manger avec Amy et Hailey, mais bon, c'est foutu. Je vois Amy sortir du bâtiment et se diriger vers moi après avoir remarqué l'apparente tension entre moi et Hailey, mais cette dernière la rattrape et l'entraîne dans sa direction, en lui expliquant avec de grands gestes la situation. Amy me regarde d'un air triste, puis baisse la tête et disparaît avec sa meilleure amie et son groupe. Moi, je reste plantée là, sans savoir quoi faire.
    Je décide d'aller manger – où plutôt me fondre dans la masse. Je me dirige vers le self en traînant les pieds. J'arrive enfin, et regarde autour de moi. Des centaines d'élèves se bousculent, discutent, crient et courent dans tous les sens dans cette immense salle. Une salle blanche et propre – comme presque tout dans ce lycée –; avec un nombre incalculable de tables étincelantes.
    Quelqu'un me bouscule et manque de me faire tomber.

    - Hey ! Fais attention ! m'écrié-je en me retournant.

    Mince. C'est Hailey. Comme par hasard. Elle me fixe, puis me lance d'un air dédaigneux :

    - Et toi ? Au lieu de rester plantée là à rien foutre, bouge, et personne te fera tomber.

    Je la regarde, ébahie. Elle est totalement métamorphosée. Il n'y a plus rien de la personne qui m'avait joyeusement accueilli en elle. Elle est devenue hautaine, cinglante et irritable. Comme les autres. Comme tout le monde. Une simple gosse de riche banale.
    Je baisse les yeux. Pathétique. Je fais vraiment pité. J'entends Hailey pouffer, puis elle passe en me donnant un coup d'épaule.
    Le reste du groupe arrive quelques secondes plus tard, et je m'empresse de suivre le rythme pour passer inaperçue. Je prends un plateau et pioche quelques trucs au hasard, sachant bien que je ne vais pas les manger. En cherchant une table libre, je trébuche sur quelque chose et bascule en arrière. Mon plateau s'envole puis finit sur le sol à un mètre de moi avec un violent bruit de brisement de verre et de nourriture pitoyablement écrasée. Moi, je ne tombe pas. Tyler, arrivé d'un coup et sans que je le vois, m'a rattrapée à temps, juste avant que ma tête ne frappe le sol. Oui, comme dans tous les films cul-cul pour les minettes de douze ans. N'importe quelle fille aurait voulu être à ma place à ce moment là, face à ce visage si bien dessiné, et ces yeux si attractifs. Je le dévisage avec de gros yeux, choquée; lui me lance un regard dénué d'émotion, comme si il était totalement indifférent au fait d'être à moins de quinze centimètres de mon visage. Je me relève et me dégage de lui.

    - Me touche pas, laché-je involontairement.

    Il hausse un sourcil puis me tourne le dos, se dirigeant vers le fond du réfectoire.

    En regardant derrière moi, je vois Connor qui affiche un air ouvertement déçu. Pas de doute possible, il a tenté de me faire tomber, et il a raté son coup. Je serre les poings, en lui mettant des coups par la pensée.
    Tout le monde me fixe; certains avec des airs moqueurs et narquois, ou des regards de pitié. D'autres rigolent et se foutent ouvertement de moi.

    - Quoi ? Ça vous amuse ? Je sais pas pourquoi, mais allez-y, marrez-vous ! crié-je, à l'intention de tous élèves présents. Quelques-uns baissent la tête après ma remarque.

    Je sors du self d'un pas pressé et me dirige vers les toilettes des filles, pour tenter de me calmer tranquillement. J'y arrive, puis dis brutalement à quelques pimbêches de déguerpir, ce qu'elles font tout de suite avec un regard écœuré envers moi. Comme si j'inspirais la pitié et le dégoût. Je n'ai pourtant rien fait pour cela. En une demi-journée, j'ai ruinée toute possible réputation, et je suis devenue la pauvre fille du lycée. Tout ça juste parce que je ne suis pas aimée par ce groupe de cons.
    J'ai toujours les poings serrés, et je frappe violemment le mur à côté de moi. Je ne ressens même pas la douleur. Ce n'est qu'en remarquant la tâche rouge en face de moi que je me rends compte que je saigne. J'y suis allé fort, quand même. Quelle abrutie. Je contemple ma main ensanglantée avec panique, puis m'empresse de la laver. Je ne supporte pas la vue du sang. Plus maintenant.
    Je glisse lentement le long du mur, en couvrant mes phalanges abîmées. Je sens les larmes montées d'un coup, mais rien ne sort. Je l'ai dit, je n'ai plus de larmes en stock.
    Je pense malgré moi à la famille que j'ai perdu à tout jamais, comme dans tout moment de tristesse.
    Tout était tellement plus simple avant...

    Le matin d'un jour comme les autres. Je me prépare tranquillement puis descends au rez de chaussé en compagnie de ma grande sœur Sarah. Elle est belle, avec ses longs cheveux châtains bouclés, et ses yeux d'un bleu profond qu'elle tient de notre père. Elle ne me ressemble pas du tout. Nous saluons nos parents, Susan et Paul. Ma mère nous sourit en nous servant un verre de jus d'orange et une pile de pancakes accompagnée d'un coulis de sirop d'érable, tandis que mon père lit le journal d'un air concentré. Quant à ma sœur, elle est occupée à taper rapidement sur les touches de son portable, en affichant un sourire s'étirant jusqu'à ses oreilles. On peut facilement dire que notre famille représente parfaitement le cliché de la gentille famille américaine.

    - Sarah, lâche ce téléphone, dit ma mère de sa voix douce et claire, en soupirant.
    - Je peux pas. C'est Matt, répond ma sœur sans quitter des yeux son écran.
    - Oui, et bien, il attendra que son adorable chérie ai fini de manger, conclut-elle en lui prenant le portable des mains, avec un regard noir et un soupir exaspéré de la part de Sarah.

    Matt, c'est son petit-ami. Ils sont ensemble depuis deux ans, et ça semble plutôt sérieux entre eux. Parfois, quand nous sommes toutes les deux seules, Sarah me parle de ce que serait sa vie avec lui, si ils se mariaient et avaient des enfants. Chaque conversation sur ce sujet finit par moi éclatant de rire en lui disant ironiquement qu'elle n'a qu'à lui demander de l'épouser, pour voir ce que ça donnerait concrètement .
    Me concernant, je n'ai malheureusement pas de copain. C'est la vie, il y aura bien un jour ou je vivrais une belle histoire d'amour. Du moins, je l'espère.
    Quelqu'un sonne, et Sarah s'empresse d'aller ouvrir. C'est April et Matt. April est ma meilleure amie, on se connait depuis notre plus tendre enfance.
    Sarah embrasse Matt sous le regard désapprobateur de notre père, qui n'aime vraiment pas voir sa fille épanouie en amour ainsi. Ça nous fait toujours rire. Je salue April en engloutissant mon reste de pancakes et en buvant mon verre d'un traite. Je ne pars jamais au lycée sans un bon petit déjeuner dans le ventre, c'est comme ça. Ma sœur et moi embrassons nos parents parents sur la joue, qui nous rendent un sourire emplit d'amour, puis nous prenons nos sacs et sortons, accompagnées de Matt et April.
    Arrivés dehors, nous discutons de tout et de rien. Matt taquine gentiment Sarah, et April se plaint, comme toujours, de sa vie amoureuse.

    - Si tu savais à quel point ça me manque, ça, lance-t-elle d'un air accablé en désignant ma sœur et Matt, qui se donnent quelques bisous furtifs.
    - Attends, ça fait quoi, un mois que t'as pas eu de copain, et tu te plains déjà ? Je devrais dire quoi, moi, dans ce cas ? En plus, c'est de ta faute. C'est toi qui l'a largué, soit-disant parce qu'il n'était pas assez mystérieux. T'es exigeante toi quand même, lui reproché-je.
    - Bah quoi ? J'y peux rien moi si il me racontait toute sa vie à longueur de temps ! Sans mystère, y'a plus rien d'excitant dans un couple, je suis désolée, mais c'est vrai, fait-elle en haussant les épaules.
    - Franchement t'abuses. (je montre Matt et Sarah) Regarde les, ils se disent tout et sont très bien ensemble.
    - Je confirme, renchéri ma sœur. Quand tu auras trouvé le bon, ça sera une évidence et tu ne pourras plus le lâcher, tu verras, finit-elle en lançant un regard complice à celui qui est sûrement son futur mari.
    - Mouais. Peut-être bien, soupire April avec une mine désespérée.

    La discussion prend fin et nous finissons notre chemin normalement.
    Nous arrivons au lycée en environ dix minutes de marche. On aime bien marcher, surtout que le lycée est tout près, alors à quoi bon utiliser la voiture. Lorsque nous entrons, tous les regards convergent vers nous. En effet, nous sommes assez populaires, je suis bien obligée de l'avouer. Nous nous dirigeons vers notre « endroit fétiche », un banc dans un coin tranquille au soleil. Nous sommes bientôt rejoins par quelques amis à nous, et les conversations sur tout et n'importe quoi fusent dans tous les sens.
    Enfin bon, un début de journée totalement banal, et agréable.

    La cloche sonne et me sort de ma torpeur. J'étais profondément perdue dans mes pensées, et je n'ai pas vu le temps passer. Je me demande pourquoi ce jour seulement m'es revenu en mémoire. Sûrement car c'est le dernier jour normal que j'ai vécu avant l'accident.
    Je me lève doucement. J'ai légèrement mal à la main, mais j'ai connu bien pire.
    Je sors des toilettes, puis m'engage dans le long couloir en cherchant la salle de Littérature. Quand je la trouve enfin, je croise Tyler et Hailey qui m'ignorent ouvertement. Hailey m'indiffère, mais Tyler m'énerve à un très haut point. Je ne comprends pas ce qu'il veut. Je vais aller lui parler, puis voilà. Et voilà que c'est moi qui me mets à lui courir après comme une idiote.
    Je soupire puis entre.
    Le cours se passe si lentement que j'en viens à me demander plusieurs fois si le temps ne s'est pas arrêté.

    L'heure finie, je sors de la salle et attend que Tyler sorte de celle-ci. Hailey passe devant moi et me lance un regard noir, puis Tyler viens à son tour. Je lui barre la route.

    - Alors. Tu vas m'expliquer ce que tu veux, parce que j'en ai marre, lancé-je en croisant les bras.
    - Qu'est ce que tu veux dire par là ? fait-il, impassible.
    - Je veux dire qu'un coup tu me parles, un coup tu m'ignores, puis après tu me rattrape au self, et tu continue de faire comme si j'existais pas. C'est quoi ton problème à la fin ?
    - Mon problème c'est que j'aime pas qu'on fasses du mal à mes amis. Et si je t'ai rattrapé au self, c'est uniquement par réflexe, j'aurais fait ça pour n'importe qui.
    - Comment ça faire du mal à tes amis ? Tu insinues que j'ai blessée Hailey ? On dirait pas, t'as pas vu comment elle me regarde et me parle !
    - Ça lui a fait du mal, Malia. Et maintenant elle fait semblant d'être une salope parce qu'elle a une fierté, et qu'elle a pas envie de ramper après toi. C'est une image.

    Je ne sais pas quoi répondre, troublée. J'ai vraiment fait du mal à Hailey, en lui disant tout ça ?

    - Maintenant, laisse moi tranquille. J'ai pas envie de te parler. Si tu veux te faire pardonner, ce dont je doute fortement, va la voir et parle-lui. Parce que crois moi, c'est une fille super, elle.

    Je reste silencieuse, et l'observe s'en aller. Je n'ai pas envie d'aller parler à Hailey, moi non plus je ne vais pas lui ramper après.
    Je décide de ne pas rester les deux dernières heures, ça ne sert à rien, c'est du sport.
    Je sors donc discrètement du lycée, puis cours jusqu'à ne plus pouvoir être aperçue.
    Je marche lentement, avec mes écouteurs dans les oreilles, et en pensant à cette première journée, qui a été, comme qui dirait... Une vraie catastrophe.
    Au moins demain, pas de cours. Quelle idée de foutre la rentrée un vendredi...
    Je soupire, et lève les yeux. Je suis arrivée chez moi.

    En entrant, j'ai toujours la surprise de découvrir à quel point c'est grand.
    Je pose mon sac par terre, puis allume une cigarette et sors sur le balcon pour fumer. Encore une fois, ça me fait du bien, je ne pense plus à rien.
    Après deux autres clopes, je décide d'aller prendre une douche.

    - - - - - - - -

    Ma douche finie, je me mets en pyjama et m'affale sur le canapé, devant la télé. Je n'ai pas faim, vraiment pas.
    Je reste là quelques heures, avant de m'endormir.

    Encore une fois, je me réveille en pleine nuit, en sueur, toujours pour la même raison. Je bois un verre d'eau, et tente en vain de me rendormir.
    Il est bientôt trois heures et demi du matin.
    Je décide de sortir, puisque je sais pertinemment que je ne dormirais pas. Je m'habille, enfile mes chaussures, puis sors.

    Je marche jusqu'à la plage. Dehors, c'est plutôt paisible. Comme sur la plage. Je vois quelques jeunes qui font la fête pas loin, mais à part ça, rien. Je m'assois sur le sable, allume une clope, et contemple l'océan. Tout simplement. La mer est calme, et reflète le rayon le la lune, faisait scintiller l'eau.

    Un nombre indéfini d'heures et de cigarettes plus tard, je me lève, et marche le long de la plage, sans direction. Je ramasse une bouteille de vodka à peine commencée, que les fêtards ont sûrement oublié avant leur départ, et porte le goulot à mes lèvres. Je crois que je viens de me rendre compte à quel point je suis paumée.
    Inutile.
    Seule.
    Pathétique.
    À quoi sert la vie dans ces cas là ?
    À rien.

    Bouteille de vodka et paquet de clopes vides, je m'arrête et me tourne face à la mer. Le soleil commence à se lever au loin. Je me déshabille, et me retrouve en sous-vêtements, seule, sur la plage. Je laisse tomber la bouteille et mon paquet de cigarettes, et je m'avance lentement. Je suis sûrement saoul, et je ne sais pas ce que je fais, mais j'avance.
    Je frissonne au contact des vaguelettes sur mes pieds. Je laisse mes cheveux libres, au préalable enroulés dans un chignon négligé. Le sel de l'eau pique ma blessure à la main pas encore cicatrisée, mais la douleur s'adoucie au fur et à mesure que je m'enfonce dans l'eau sombre et froide. 
    J'entends l'écho de mon faux nom au loin, mais je suppose rêver.

    Je continue mon chemin vers la liberté, glacée jusqu'aux os, l'eau m'arrivant au cou. Ce que je fais est si idiot, mais je m'en fous. Je me laisse aller, flottant à la surface, les bras en croix, contemplant la lune brillante et envoûtante. J'entends une nouvelle fois mon nom, qui est hurlé depuis la plage. Je ne sais pas qui c'est, mais je le vois. C'est un homme, je crois. Une silhouette quelque peu familière. L'homme enlève sa veste, ses chaussures, puis court vers la mer. Vers moi. Je ne bouge pas, toujours entraînée par le courant, et éclaboussée par les quelques vagues qui me transportent vers un nouveau monde.
    La silhouette se rapproche, en criant difficilement mon nom, et en nageant pour me rattraper.
    Je sais maintenant qui c'est. Je le reconnais, je reconnais sa chevelure brune, et sa voix rauque.
    Tyler.
    Que fait-il là ? Pourquoi venir me chercher ? Pourquoi ne me laisse-t-il pas ?
    Je l'observe s'avancer vers moi, puis m'agripper brutalement, en rapprochant mon corps devenu épave du sien. Je me débats.

    - Non, laisse moi, laisse moi être libre ! crié-je, en bougeant les bras dans tous les sens.
    - Malia ! Arrête ça ! C'est ridicule ! proteste-t-il en m'obligeant à m'accrocher à lui.

    Je me débats encore, puis fini par m'arrêter, face à la force de Tyler. Il m'attrape par la taille, et nage vers le bord de l'eau de sa main libre. Je ne bouge pas. J'ai si froid. J'ai si mal à l'intérieur. Je suis si vide, si brisée.
    Je sens le sable sous mes pieds, et Tyler me laisse debout quelques secondes, pour récupérer, en gardant une main accrochée à mon bras, comme pour être sûre que je ne vais pas y retourner.

    - Pourquoi es-tu toujours là au bon moment ? Pourquoi... soufflé-je d'une voix persque inaudible.
    - Tu as de la chance, Malia.

    Je reste silencieuse, regardant en face de moi, le regard perdu. De la chance, bien sûr.
    Tyler met sa veste sur mes épaules, ce qui ne me réchauffe que très peu, avant de passer son bras derrière moi. Il me serre contre lui, puis passe son autre bras sous mes genoux, et pose mes vêtements sur mon ventre. Il commence à marcher.

    - Qu'est ce qui a bien pu t'arrivé, Malia, chuchote-t-il, d'un air triste et désolé.

    Je laisse ma tête balancée dans le vide, les yeux dans le vague, voyant la mer s'éloigner peu à peu.

    - Ça n'aurait pas du être moi. Je n'aurais pas du rester en vie, murmuré-je d'un ton mort.
    - Quoi ?
    - Ça n'aurait pas du être moi. Je n'aurais pas du rester en vie.

    Je répète ces paroles incessamment, jusqu'à ce que ma voix soit trop faible pour que je puisse le prononcer.
    Je voulais mourir.


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  •  

    Five.

    [Précédemment] : Malia a tenté de se suicider en se noyant, alors qu'elle était saoule, et Tyler, qui était sur la plage à ce moment est venu la sauver puis l'a prise pour l'amener chez lui.

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    Tyler marche pendant une dizaine de minutes, avec moi, toujours dans ses bras, le regard dans le vide, la tête ballottée au dessus du sol. Mes cheveux mouillés se balançant au rythme de ses pas. Je ne tourne pas une fois la tête, ne lui lance pas un seul regard ni ne lui adresse un seul mot.
    Il me garde dans ses bras jusqu'à ce qu'on arrive devant un immeuble où il habite sûrement. Il me pose à terre en ouvrant la porte d'entrée de l'immeuble, puis je le suis en direction d'un ascenseur. Il garde mes vêtements trempés dans ses bras. Nous montons jusqu'au troisième étage, et la porte de l'ascenseur s'ouvre sur une allée au allures luxueuses. Aucun de nous n'ouvre la bouche, et Tyler m'emmène à son appartement. Il ouvre la porte, et me fait signe d'entrer, sans que nos regards ne se croisent. J'entre donc. Je me retrouve -encore- face à un magnifique appartement, au couleurs sobres et au pièces immenses. Il y a ici aussi une grande baie vitrée près du salon.
    Je sursaute quand j'entends la voix rauque de Tyler juste derrière moi.

    - Je reviens, assieds-toi là, me fait-il en désignant le canapé sombre à côté de nous.

    Je hoche la tête, et vais m'asseoir, en enfilant vraiment la veste de Tyler, et en la fermant devant, juste pour ne pas me retrouver totalement en sous-vêtements. Je l'attends quelques minutes, puis il débarque dans la pièce. Il s'est changé, et est maintenant vêtu d'un jogging gris et d'un tee-shirt simple noir. Il porte sous son bras une serviette de bain blanche. Ses cheveux sont ébouriffés et on l'air d'avoir été essorés. Il avance vers moi, puis sans un mot, s'accroupis face à moi, et déplies la serviette qu'il avait jusque là sous le bras, avant de la plaquer sur ma tête et de frotter mes cheveux avec pour les essuyer. Je l'arrête et agrippe son poignet d'un main ferme.

    - C'est bon, j'ai pas besoin de ça, fais-je en lui enlevant la serviette humide des mains et en la posant près de moi sur le canapé.

    Il me lance un regard que je pourrais qualifier de triste, quoique je ne sache pas trop ce qu'il pense actuellement. Il acquiesce puis prend la parole.

    - Tu veux bien m'expliquer ce qu'il s'est passé ? fait-il d'une voix rauque.
    - J'étais bourrée. Je savais pas ce que je faisais, répondis-je d'un air monotone.
    - Arrête. T'étais peut-être bourrée mais tu voulais forcément le faire, rien qu'un peu. On fait pas ce genre de chose sans en avoir envie.

    Je me racle la gorge. Il croit vraiment que je vais lui raconter ce qui se passe pour moi ?

    - Ok, peut-être que j'en avais envie, mais que je passais pas à l'acte. Ça te va ? avoué-je un peu agressivement.
    - Mais pourquoi Malia... Pourquoi ? Je comprend pas. T'as pas l'air d'être une fille capable de ce genre de choses.
    - Qui te dis que je le suis ? J'avais jamais essayé de faire ce que j'ai fait avant tout à l'heure. Puis même ! Ça te regarde pas, c'est ma vie t'as pas à t'en mêler ! m'exclamé-je en me relevant d'un coup.

    Il se relève à son tour, et me fait face. Une expression sérieuse, inquiète et presque énervée s'affiche sur son visage.

    - Écoute moi bien, commence-t-il. Je vais pas te demander de me raconter ta vie, je vais pas te demander les raisons exactes de ton acte. Tu as raison, ça ne me regarde pas. (il marque une pause, puis reprend :) Mais ce que je veux vraiment savoir, c'est pourquoi, alors que tu vas si mal, tu refuses de te faire des amis ?

    Je le fixe sans répondre. À vrai dire, je ne sais même pas pourquoi. C'est sûrement idiot, mais je ne sais pas pourquoi je repousse tout le monde ainsi. Je ne veux plus être blessée, plus être triste, peut-être est-ce pour ça ?

    - Je... Je... balbutié-je.
    - Tu ne sais pas toi même. J'en étais sûre.

    Je lui lance un regard noir, puis entreprend de sortir de chez lui. Pas question de rester une seconde de plus avec ce mec qui me trouble plus qu'autre chose.
    Mais il m'agrippe fermement le bras et me retourne vers lui. Je tente de me dégager mais rien n'y fait, il ne me lâche pas. Je laisse tomber et reste immobile, tandis qu'il enlève sa main.

    - Je veux pas te laisser toute seule dans la merde. Alors laisse les gens se rapprocher de toi, ça te fera aucun mal, lance-t-il d'un ton rassurant.
    - Pourquoi d'un coup tu veux m'"aider" alors que tu m'as bien fait comprendre que tu voulais plus entendre parler de moi la dernière fois qu'on s'est vus ?
    - Je savais pas ce que tu vivais. Je le sais toujours pas, mais je sais que tu vis des choses difficiles et je te le répète, je veux pas te laisser seule.

    Je ne dis rien et me contente de le regarder. Il est sincère, je crois. Ce qu'il me dis me réchauffe un peu le cœur, je dois bien l'avouer. Je baisse les yeux.

    - Merci, fais-je d'une petite voix, presque un murmure.

    Il ne répond pas, alors je relève la tête et me racle encore une fois la gorge.

    - Je pourrais avoir mes vêtements ? demandé-je d'un air gêné.
    - Oh, oui, répondit-il. Ils sont dans la salle de bain.

    Je me dépêcher d'y aller. Je ferme à clé la porte derrière moi, puis m'adosse à celle-ci quelques secondes avant d'ôter la veste de Tyler et d'enfiler mes habits et mes chaussures. Je respire un bon coup, puis enroule mes cheveux rapidement dans un chignon avant de sortir. Tyler est assis sur le canapé, probablement sans savoir quoi faire. Il me lance un regard rapide.

    - Quelle heure il est ? demandé-je en remarquant le soleil quasiment levé par la fenêtre.
    - Sept heures moins le quart, répond-il.

    Je fais un signe de la tête pour lui montrer que j'ai compris, et reste plantée là sans savoir quoi faire.

    - Je devrais sûrement rentrée chez moi, lancé-je.
    - Non, fait-il d'un coup.

    Je le regarde d'un air dubitatif.

    - Reste ici, je peux pas te laisser rentrer seule après ce qui s'est passé, continue-t-il.
    - Tu crois vraiment que dès que tu vas me laisser partir, je vais aller me jeter d'un pont ou je ne sais quoi ?

    Il ne répond pas et se contente de me fixer. Je finis par soupirer et je me laisse tomber dans le canapé près de lui. Je ne sais même pas pourquoi je ne peux pas résister.

    - Tu m'énerves, fais-je.

    Il se retourne vers moi.

    - Pourquoi ?
    - Parce que. J'arrive pas à te refuser quoi que ce soit, et je sais pas pourquoi, et ça me soûle.

    Il laisse échapper un petit rire amusé.

    - Quoi ? fais-je d'un air exaspéré.
    - Je suis irrésistible pas vrai ?

    Je laisse échappé un hoquet.

    - Tu te fous te moi là ? fais-je.

    Il éclate de rire. Je le fixe, et il arrête de rire, avant de lever les yeux vers moi. Il me sourit puis prend la parole.

    - Ça va mieux ? me demande-t-il.

    Je ne réponds pas tout de suite, et me contente de le dévisager. Il se comporte étrangement naturellement avec moi. Je n'arrive définitivement pas à le cerner. J'observe son sourire discret et ses yeux animés d'une certaine chaleur.

    - Oui... répondis-je simplement.

    Il acquiesce. Je me rappelle soudain d'une chose :

    - Tu faisais quoi sur la plage au fait ?
    - Footing matinal. Tous les matins, ou presque, je vais courir sur la plage. T'as de la chance, aujourd'hui j'ai failli ne pas y aller.

    Je reste quelques secondes silencieuse.

    - T'as bizarrement la vilaine habitude de toujours être là quand je m'y attends pas.

    Il plonge son regard dans le mien, que je détourne rapidement.

    - Je suis peut-être ton ange gardien, qui sait ?, dit-il soudainement, d'une voix apaisante.

    À ce moment là, mon cœur s'arrête un quart de seconde. Personne ne m'avait jamais dit ça auparavant.
    Je me racle la gorge, puis me lève brutalement.

    - Où est-ce que je peux dormir ? demandé-je sans le regarder dans les yeux.
    - Il y a une chambre d'ami, juste à côté de la mienne, me répond-t-il, en pointant du doigt une porte blanche près de celle de la salle de bain.

    Je hoche la tête et me dirige vers cette pièce. C'est une vaste chambre, avec un grand lit, couvert d'une couverture aux couleurs beiges et marrons. Une gigantesque fenêtre se dresse sur le mur en face du lit, donnant une vue imprenable sur Miami à l'aube.

    J'enlève mes vêtements, et me glisse sous la couverture douce et chaude. Je regarde l'horizon et voit le soleil se lever petit à petit pendant que je m'endors.


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